LMNP : activité civile ou commerciale ?
La location meublée non professionnelle (LMNP) attire toujours plus d’investisseurs, séduits par sa fiscalité souple et sa rentabilité potentielle. Pourtant, une question revient sans cesse : la LMNP est-il une activité civile ou commerciale ?
La réponse n’est pas aussi tranchée qu’il n’y paraît ; tout dépend du prisme – juridique, fiscal ou social – sous lequel on analyse l’opération.
Comprendre le cadre juridique du LMNP
Sur le terrain du droit civil, la location – qu’elle soit nue ou meublée – reste en principe une activité civile : il s’agit de la simple jouissance d’un bien immobilier. Le bail meublé est régi par la loi 89-462, le décret 2015-981 et, pour les résidences de tourisme, par le Code du tourisme. Aucune inscription au registre du commerce (RCS) n’est requise pour un LMNP.
En revanche, la même activité est traitée comme commerciale par le Code général des impôts (CGI). Les recettes tirées d’une location meublée sont imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), à la différence de la location nue (revenus fonciers). C’est ce « glissement » qui brouille souvent les lignes : civil par nature, commercial par fiscalité.
Pourquoi cette double casquette ?
- La notion d’exploitation : pour le fisc, fournir un logement « prêt à vivre » (cuisinière, literie, vaisselle, etc.) s’apparente à une prestation de service assimilée à une activité commerciale.
- L’historique jurisprudentiel : depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 15 février 1994, la location meublée est systématiquement rangée dans les BIC.
- Un alignement européen : la France suit ainsi la logique communautaire sur les prestations para-hôtelières.
Résultat : un LMNP est civilement loueur, mais fiscalement commerçant, ce qui entraîne des obligations et des avantages spécifiques.
Les critères pour qualifier l’activité : où placer le curseur ?
La distinction devient cruciale dès qu’un investisseur envisage :
- Une SCI à l’impôt sur le revenu (IR) : si plus de 10 % des recettes d’une SCI proviennent de locations meublées, la société bascule automatiquement à l’impôt sur les sociétés (IS).
- La TVA : seules les locations assimilables à des prestations para-hôtelières (petit-déjeuner, linge, ménage quotidien) sont soumises à la TVA ; la location meublée longue durée reste hors champ.
- La cotisation foncière des entreprises (CFE) : l’administration considère désormais, sauf exceptions, qu’un LMNP dépasse le simple gestionnaire d’un patrimoine civil ; l’investisseur est donc redevable de la CFE dès le premier euro.
Règle pratique : examinez toujours (1) le type de locataires (touristes vs longue durée), (2) les prestations annexes fournies, et (3) la structure juridique employée.
Conséquences fiscales : micro-BIC ou réel ?
Depuis la loi de finances 2025, les seuils ont été révisés. Pour une location meublée longue durée classique, vous pouvez opter pour :
Régime |
Recettes annuelles 2025 |
Abattement forfaitaire |
Notes clés |
Micro-BIC |
≤ 77 700 € |
50 % |
Pas de déduction de charges réelles, pas d’amortissement |
Réel simplifié |
> 77 700 € (ou sur option) |
Aucune, mais déduction de toutes les charges et amortissements |
Nécessite expert-comptable + liasse fiscale |
Pour les meublés de tourisme non classés, le seuil micro-BIC est ramené à 15 000 € et l’abattement passe à 30 % . Les anciens plafonds avantageux à 188 700 € (abattement 71 %) ont disparu.
Comment choisir ?
- Recettes inférieures à 25 000 € : si vous avez peu de charges, le micro-BIC est souvent plus simple et parfois plus rentable.
- Acheteur neuf ou PINEL basculant en meublé : le régime réel permet d’amortir le mobilier, les travaux et même le prix du bien (hors terrain), créant un déficit BIC reportable 10 ans.
- Cash-flow élevé : le réel évite de « brûler » inutilement l’abattement micro, surtout si vos charges dépassent 50 %.
Impact sur la protection sociale et la TVA
Le LMNP, bien qu’imposé en BIC, n’entraîne pas automatiquement d’affiliation au régime des indépendants. Vous restez rattaché à votre régime social habituel (salarié, fonctionnaire, retraite…). Sauf :
- Recettes > 23 000 € ET supérieures à 50 % des revenus du foyer : vous devenez loueur en meublé professionnel (LMP). L’inscription au RCS est facultative depuis 2020, mais vous dépendez de la sécurité sociale des indépendants pour vos cotisations (base BIC).
- Para-hôtellerie (type Airbnb avec services) : vous êtes assimilé commerçant, assujetti à la TVA (10 %) et devez facturer vos clients en conséquence.
Bon à savoir
- Les cotisations sociales RSI/URSSAF sont calculées sur le bénéfice ; avec un amortissement élevé, la base peut être proche de zéro, d’où l’intérêt stratégique de basculer en LMP réel uniquement lorsqu’un amortissement suffisant existe.
- Un LMNP classique relève de la CFE même sans inscription RCS ; n’oubliez pas de déposer le formulaire 1447-C avant le 31 décembre de l’année de création.
Gérer son LMNP via une SCI : pièges et opportunités
Beaucoup d’investisseurs envisagent la SCI familiale pour transmettre plus facilement. Attention :
- SCI à l’IR : le premier euro de location meublée est qualifié de commercial. Si ce poste dépasse 10 % des recettes globales, la SCI passe à l’IS, alourdissant la fiscalité sur la plus-value.
- SCI à l’IS : compatible avec le meublé, permet l’amortissement, mais la sortie est fiscalement coûteuse (plus-value professionnelle, double imposition en cas de distribution).
- SARL de famille : alternative intéressante pour loger plusieurs biens meublés, garder les BIC, et profiter d’une transparence fiscale sur option.
Conseil pratique : si votre but est de transmettre, envisagez la donation-partage de parts de SARL de famille plutôt qu’une SCI, pour garder la flexibilité du BIC et l’amortissement.
Bonnes pratiques pour optimiser votre statut LMNP en 2025
- Tenue comptable rigoureuse : même en micro-BIC, archivez factures et quittances ; un contrôle peut demander la justification des recettes.
- Meublé conforme : respectez la liste de mobilier (décret 2015-981) et sécurisez vos baux (clauses résiliation, dépôt de garantie, justificatifs d’assurance habitation).
- Segmentation des biens : séparez longue durée et courte durée dans deux entités juridiques différentes pour éviter les effets de seuil (micro-BIC / TVA).
- Assurance loyer impayé : en LMNP, la GLI est déductible au réel ; à micro-BIC, l’abattement couvre ce coût.
- Amortissement proportionné : au réel, n’amortissez pas le terrain ; segmentez gros œuvre (30-40 ans), second œuvre (15 ans) et mobilier (5-10 ans) pour lisser la charge et éviter l’« amortissement accéléré » qui ferait bondir votre bénéfice dans 10 ans.
- Mise à jour fiscale annuelle : surveillez les lois de finances ; les seuils micro-BIC ont déjà été divisés par presque trois pour les meublés touristiques depuis 2024 – un rappel qu’aucun avantage n’est gravé dans le marbre.
Bilan stratégique pour l’investisseur averti
Être loueur en meublé non professionnel, c’est :cumuler la souplesse d’une activité civile – pas d’inscription RCS, liberté de gestion patrimoniale – et les avantages d’une activité commerciale : amortissements, déduction des charges, éventuelle exonération de plus-value pro après cinq ans en LMP.
La clé, en 2025, est de piloter son investissement comme une micro-entreprise : comprendre les seuils, anticiper l’effet de bascule vers le réel ou la para-hôtellerie, et s’outiller (expert-comptable, logiciel de facturation, simulateur LMNP) pour garder la main.
De cette maîtrise naît la performance : un LMNP bien géré dégage un cash-flow positif, prépare votre retraite et, grâce à l’amortissement, réduit votre impôt réel à néant pendant plusieurs années. Votre défi n’est donc plus de savoir si c’est civil ou commercial, mais d’en tirer le meilleur des deux mondes.